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LES ROUGON-MACQUART.

mordais guère à leurs machines, bien qu’au fond je ne me sois jamais jugé plus bête qu’un autre. Quand j’ai eu passé mon bachot, pour contenter ma famille, j’aurais parfaitement pu devenir un avocat ou un médecin comme les camarades ; mais ces métiers-là m’ont fait peur, tant on voit de gens y tirer la langue… Alors, mon Dieu ! j’ai jeté la peau d’âne au vent, oh ! sans regret, et j’ai piqué une tête dans les affaires.

Vallagnosc souriait d’un air d’embarras. Il finit par murmurer :

— Il est de fait que ton diplôme de bachelier ne doit pas te servir à grand’chose pour vendre de la toile.

— Ma foi ! répondit Mouret joyeusement, tout ce que je demande, c’est qu’il ne me gêne pas… Et, tu sais, quand on a eu la bêtise de se mettre ça entre les jambes, il n’est pas commode de s’en dépêtrer. On s’en va à pas de tortue dans la vie, lorsque les autres, ceux qui ont les pieds nus, courent comme des dératés.

Puis, remarquant que son ami semblait souffrir, il lui prit les mains, il continua :

— Voyons, je ne veux pas te faire de la peine, mais avoue que tes diplômes n’ont satisfait aucun de tes besoins… Sais-tu que mon chef de rayon, à la soie, touchera plus de douze mille francs cette année ? Parfaitement ! un garçon d’une intelligence très nette, qui s’en est tenu à l’orthographe et aux quatre règles… Les vendeurs ordinaires, chez moi, se font trois et quatre mille francs, plus que tu ne gagnes toi-même ; et ils n’ont pas coûté tes frais d’instruction, ils n’ont pas été lancés dans le monde, avec la promesse signée de le conquérir… Sans doute, gagner de l’argent n’est pas tout. Seulement, entre les pauvres diables frottés de science qui encombrent les professions libérales, sans y manger à leur faim, et les garçons pratiques, armés pour la vie, sachant à fond leur métier, ma foi ! je n’hésite pas, je suis pour