Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/154

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portez à monsieur Saccard… Voilà ! vous avez notre secret, pensez-vous que je doive l’attendre et lui tout dire, dès aujourd’hui ? 

Madame Caroline montra une émotion croissante.

— Non, non, plus tard. 

Mais elle-même ne savait que faire, dans l’étrangeté de la confidence. Il continuait de l’étudier, satisfait de la sensibilité extrême qui la lui livrait, achevant de bâtir son plan, certain désormais de tirer d’elle plus que Saccard n’aurait jamais donné.

— C’est que, murmura-t-il, il faudrait prendre un parti.

— Eh bien, j’irai… Oui, j’irai à cette cité, j’irai voir cette madame Méchain et l’enfant… Cela vaut mieux, beaucoup mieux que je me rende d’abord compte des choses. 

Elle pensait tout haut, la résolution lui venait de faire une soigneuse enquête, avant de rien dire au père. Ensuite, si elle était convaincue, il serait temps de l’avertir. N’était-elle pas là pour veiller sur sa maison et sur sa tranquillité ?

— Malheureusement, ça presse, reprit Busch, l’amenant peu à peu où il voulait. Le pauvre gamin souffre. Il est dans un milieu abominable. 

Elle s’était levée.

— Je mets un chapeau et j’y vais à l’instant. 

À son tour, il dut quitter sa chaise, et négligemment :

— Je ne vous parle pas du petit compte qu’il y aura à régler. L’enfant a coûté, naturellement ; et il y a aussi de l’argent prêté, du vivant de la mère… Oh ! moi, je ne sais pas au juste. Je n’ai voulu me charger de rien. Tous les papiers sont là-bas.

— Bon ! je vais voir. 

Alors, il parut s’attendrir lui-même.

— Ah ! madame, si vous saviez toutes les drôles de choses que je vois, dans les affaires ! Ce sont les gens les plus honnêtes qui ont à souffrir plus tard de leurs passions, ou, ce qui est pis, des passions de leurs parents…