Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/182

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Compagnie générale des Paquebots réunis et de la Banque nationale turque, reconnaissant la nécessité de mettre le capital en rapport avec l’importance que l’Universelle allait prendre. Quant aux mines d’argent du Carmel, elles furent accueillies par un frémissement religieux. Et, lorsque les actionnaires se furent séparés, en votant des remerciements au président, au directeur et aux administrateurs, tous rêvèrent du Carmel, de cette miraculeuse pluie d’argent, tombant des lieux saints, au milieu d’une gloire.

Deux jours après, Hamelin et Saccard, accompagnés cette fois du vice-président, le vicomte de Robin-Chagot, retournèrent rue Sainte-Anne, chez maître Lelorrain pour déclarer l’augmentation du capital, qu’ils affirmaient avoir été intégralement souscrit. La vérité était que trois mille actions environ, refusées par les premiers actionnaires à qui elles appartenaient de droit, restaient aux mains de la société, laquelle les passa de nouveau au compte Sabatani, par un jeu d’écritures. C’était l’ancienne irrégularité, aggravée, le système qui consistait à dissimuler dans les caisses de l’Universelle une certaine quantité de ses propres valeurs, une sorte de réserve de combat, qui lui permettait de spéculer, de se jeter en pleine bataille de Bourse, s’il le fallait, pour soutenir les cours, au cas d’une coalition de baissiers.

D’ailleurs, Hamelin, tout en désapprouvant cette tactique illégale, avait fini par s’en remettre complètement à Saccard, pour les opérations financières ; et il y eut une conversation à ce sujet, entre eux et madame Caroline, relative seulement aux cinq cents actions qu’il les avait forcés de prendre, lors de la première émission, et que la seconde, naturellement, venait de doubler : mille actions en tout, représentant, pour le versement du quart et la prime, une somme de cent trente-cinq mille francs, que le frère et la sœur voulurent absolument payer, un héritage inattendu d’environ trois cent mille francs leur étant tombé d’une tante, morte dix jours après son fils unique, tous deux emportés par la même fièvre. Saccard les laissa