Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/29

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l’odeur. Sa face plate se rembrunissait, il eut une moue désappointée.

— Hum ! il n’y a pas gras, rien à mordre. Heureusement que ça n’a pas coûté cher… Voici des billets… Encore des billets… Si ce sont des jeunes gens, et s’ils sont venus à Paris, nous les rattraperons peut-être… 

Mais il eut une légère exclamation de surprise.

— Tiens ! qu’est-ce que c’est que ça ? 

Il venait de lire, au bas d’une feuille de papier timbré, la signature du comte de Beauvilliers, et la feuille ne portait que trois lignes, d’une grosse écriture sénile : « Je m’engage à payer la somme de dix mille francs à mademoiselle Léonie Cron, le jour de sa majorité. » 

— Le comte de Beauvilliers, reprit-il lentement, réfléchissant tout haut, oui, il a eu des fermes, tout un domaine, du côté de Vendôme… Il est mort d’un accident de chasse, il a laissé une femme et deux enfants dans la gêne. J’ai eu des billets autrefois, qu’ils ont payés difficilement… Un farceur, un pas grand-chose… 

Tout d’un coup, il éclata d’un gros rire, reconstruisant l’histoire.

— Ah ! le vieux filou, c’est lui qui a fichu dedans la petite !… Elle ne voulait pas, et il l’aura décidée avec ce chiffon de papier, qui était légalement sans valeur. Puis, il est mort… Voyons, c’est daté de 1854, il y a dix ans. La fille doit être majeure, que diable ! Comment cette reconnaissance pouvait-elle se trouver entre les mains de Charpier ?… Un marchand de grains, ce Charpier, qui prêtait à la petite semaine. Sans doute la fille lui a laissé ça en dépôt pour quelques écus ; ou bien peut-être s’était-il chargé du recouvrement…

— Mais, interrompit la Méchain, c’est très bon, ça, un vrai coup ! »

Busch haussa dédaigneusement les épaules.

— Eh ! non, je vous dis qu’en droit ça ne vaut rien… Que je présente ça aux héritiers, et ils peuvent m’envoyer promener, car il faudrait faire la preuve que l’argent est réellement dû… Seulement, si nous retrouvons la fille,