Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/60

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aride, que bouchait un écroulement gigantesque de rochers, couronnés de broussailles.

— Oh ! oh ! reprit-il, voici le bout du monde. On ne doit pas être coudoyé par les passants dans ce coin-là.

— Une gorge du Carmel, répondit Hamelin. Ma sœur a pris ça, pendant les études que j’ai faites de ce côté. 

Et il ajouta simplement :

— Tenez ! entre les calcaires crétacés et les porphyres qui ont relevé ces calcaires, sur tout le flanc de la montagne, il y a là un filon d’argent sulfuré considérable, oui ! une mine d’argent dont l’exploitation, d’après mes calculs, assurerait des bénéfices énormes.

— Une mine d’argent, répéta vivement Saccard.

Madame Caroline, les yeux toujours au loin, dans sa tristesse, avait entendu ; et, comme si une vision se fût évoquée :

— Le Carmel, ah ! quel désert, quelles journées de solitude ! C’est plein de myrtes et de genêts, cela sent bon, l’air tiède en est embaumé. Et il y a des aigles, sans cesse, qui planent très haut… Mais tout cet argent qui dort dans ce sépulcre, à côté de tant de misère. On voudrait des foules heureuses, des chantiers, des villes naissantes, un peuple régénéré par le travail.

— Une route serait facilement ouverte du Carmel à Saint-Jean-d’Acre, continua Hamelin. Et je crois bien qu’on découvrirait également du fer, car il abonde dans les montagnes du pays… J’ai aussi étudié un nouveau mode d’extraction, qui réaliserait d’importantes économies. Tout est prêt, il ne s’agit plus que de trouver des capitaux.

— La Société des mines d’argent du Carmel !  murmura Saccard.

Mais c’était maintenant l’ingénieur qui, les regards levés, allait d’un plan à l’autre, repris par le labeur de toute sa vie, enfiévré à la pensée de l’avenir éclatant qui dormait là, pendant que la gêne le paralysait.

— Et ce ne sont que les petites affaires du début, reprit-il. Regardez cette série de plans, c’est ici le grand coup,