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III


La lettre du banquier russe de Constantinople, que Sigismond avait traduite, était une réponse favorable, attendue pour mettre à Paris l’affaire en branle ; et, dès le surlendemain, Saccard, à son réveil, eut l’inspiration qu’il fallait agir ce jour-là même, qu’il devait avoir, d’un coup, avant la nuit, formé le syndicat dont il voulait être sûr, pour placer à l’avance les cinquante mille actions de cinq cents francs de sa société anonyme, lancée au capital de vingt-cinq millions.

En sautant du lit, il venait de trouver enfin le titre de cette société, l’enseigne qu’il cherchait depuis longtemps. Les mots : la Banque Universelle, avaient brusquement flambé devant lui, comme en caractères de feu, dans la chambre encore noire.

— La Banque Universelle, ne cessa-t-il de répéter, tout en s’habillant, la Banque Universelle, c’est simple, c’est grand, ça englobe tout, ça couvre le monde… Oui, oui, excellent ! la Banque Universelle !

Jusqu’à neuf heures et demie, il marcha à travers les vastes pièces, absorbé, ne sachant par où il commencerait sa chasse aux millions, dans Paris. Vingt-cinq millions, cela se trouve encore au tournant d’une rue ; même, c’était l’embarras du choix qui le faisait réfléchir, car il y voulait mettre quelque méthode. Il but une tasse de lait, il ne se fâcha pas, lorsque le cocher monta lui expliquer que le cheval n’était pas bien, à la suite d’un refroidissement sans doute, et qu’il serait plus sage de faire venir le vétérinaire.