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LES ROUGON-MACQUART.

que nous serons discrètes… Je vous assure, je l’ai toujours aimé et défendu, ce prêtre…

— J’ai causé avec lui, il m’a semblé tout à fait bon enfant, interrompit le conservateur des eaux et forêts.

Mais sa femme le fit taire d’un geste ; elle le traitait en valet, souvent. Dans le mariage louche que l’on reprochait à M. de Condamin, il était arrivé que lui seul portait la honte ; la jeune femme, qu’il avait amenée on ne savait d’où, s’était fait pardonner et aimer de toute la ville, par une bonne grâce, par une beauté aimable, auxquelles les provinciaux sont plus sensibles qu’on ne le pense. Il comprit qu’il était de trop dans cet entretien vertueux.

— Je vous laisse avec le bon Dieu, dit-il d’un air légèrement ironique. Je vais fumer un cigare… Octavie, n’oublie pas de t’habiller de bonne heure ; nous allons à la sous-préfecture, ce soir.

Quand il ne fut plus là, les deux femmes causèrent encore un instant, revenant sur ce qu’elles avaient déjà dit, s’apitoyant sur les pauvres jeunes filles qui tournent mal, s’excitant de plus en plus à les mettre à l’abri de toutes les séductions. Madame de Condamin parlait très-éloquemment contre la débauche.

— Eh bien ! c’est convenu, dit-elle en serrant une dernière fois la main de Marthe, je suis à vous au premier appel… Si vous allez voir madame Rastoil et madame Delangre, dites-leur que je me charge de tout ; elles n’auront qu’à nous apporter leurs noms… Mon idée est bonne, n’est-ce pas ? Nous ne nous en écarterons pas d’une ligne… Mes compliments à l’abbé Faujas.

Marthe se rendit immédiatement chez madame Delangre, puis chez madame Rastoil. Elle les trouva polies, mais plus froides que madame de Condamin. Toutes deux discutèrent le côté pécuniaire du projet ; il faudrait beaucoup d’argent, jamais la charité publique ne fournirait les sommes néces-