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LES ROUGON-MACQUART.

me dévouerai encore. Mon mari me le disait hier : « Vraiment vous n’êtes plus à vos affaires, vous êtes toute à celles des autres. »

Marthe la regardait curieusement, en songeant à son ancienne liaison avec M. Delangre, dont on faisait encore des gorges chaudes dans les cafés du cours Sauvaire. La femme du maire et la femme du président avaient accueilli le nom de l’abbé Faujas avec une grande circonspection ; la seconde surtout. Marthe s’était même un peu piquée de cette méfiance, au sujet d’une personne dont elle répondait ; aussi avait-elle insisté sur les belles qualités de l’abbé, ce qui avait obligé les deux femmes à convenir du mérite de ce prêtre, vivant dans la retraite et soutenant sa mère.

En sortant de chez madame Rastoil, Marthe n’eut qu’à traverser la chaussée pour se rendre chez madame Paloque, qui demeurait de l’autre côté de la rue Balande. Il était sept heures ; mais elle désirait se débarrasser de cette dernière course, quitte à faire attendre Mouret et à être grondée par lui. Les Paloque allaient se mettre à table, dans une salle à manger froide, où se sentait la gêne de province, une gêne propre, soigneusement cachée. Madame Paloque se hâta de couvrir la soupe qu’elle allait servir, contrariée d’être ainsi trouvée à table. Elle fut très-polie, presque humble, inquiète au fond d’une visite qu’elle n’attendait guère. Son mari, le juge, resta devant son assiette vide, les mains sur les genoux.

— Des petites coquines ! s’écria-t-il, lorsque Marthe eut parlé des filles du vieux quartier. J’ai eu de jolis détails, aujourd’hui, au Palais. Ce sont elles qui ont provoqué à la débauche des gens très-honorables… Vous avez tort, madame, de vous intéresser à cette vermine-là.

— D’ailleurs, dit à son tour madame Paloque, j’ai grand’peur de ne vous être d’aucune utilité. Je ne connais per-