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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

Il reprenait haleine, il continuait :

— Veille au moins sur Désirée, avant d’aller ramasser des filles dans le ruisseau. Elle a des trous comme le poing dans sa robe. Un de ces jours, nous la trouverons avec quelque membre cassé, dans le jardin… Je ne te parle pas d’Octave ni de Serge, bien que j’aimerais te savoir à la maison, lorsqu’ils rentrent du collège. Ils ont des inventions diaboliques. Hier, ils ont fendu deux dalles de la terrasse en tirant des pétards… Je te dis que, si tu ne te tiens pas chez toi, nous trouverons la maison par terre, un de ces jours.

Marthe s’excusait en quelques paroles. Elle avait dû sortir. Mouret, avec son bon sens taquin, disait vrai : la maison tournait mal. Ce coin tranquille, où le soleil se couchait si heureusement, devenait criard, abandonné, empli de la débandade des enfants, des méchantes humeurs du père, des lassitudes indifférentes de la mère. À table, le soir, tout ce monde mangeait mal et se querellait. Rose n’en faisait qu’à sa tête. D’ailleurs, la cuisinière donnait raison à madame.

Les choses allèrent à ce point que Mouret, ayant rencontré sa belle-mère, se plaignit amèrement de Marthe, bien qu’il sentît le plaisir qu’il faisait à la vieille dame, en lui racontant les ennuis de son ménage.

— Vous m’étonnez beaucoup, dit Félicité avec un sourire. Marthe paraissait vous craindre ; je la trouvais même trop faible, trop obéissante. Une femme ne doit pas trembler devant son mari.

— Eh oui ! s’écria Mouret désespéré. Pour éviter une querelle, elle serait rentrée sous terre. Un seul regard suffisait ; elle faisait tout ce que je voulais… Maintenant, pas du tout ; j’ai beau crier, elle n’en agit pas moins à sa guise. Elle ne répond pas, c’est vrai ; elle ne me tient pas tête, mais ça viendra…

Félicité répondit hypocritement :