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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

a rien dit non plus, n’est-ce pas ?… Non, vous vous trompez. Il irait les chercher dans leur chambre, si la mère ne descendait pas faire sa partie.

En effet, Mouret n’ouvrait pas la bouche sur l’abbé Faujas. Il le plaisantait un peu rudement parfois. Il le mêlait aux taquineries dont il torturait sa femme, à propos de la religion. Mais c’était tout.

Un matin, il cria à Marthe, en se faisant la barbe :

— Dis donc, ma bonne, si tu vas jamais à confesse, prends donc l’abbé pour directeur. Tes péchés resteront entre nous, au moins.

L’abbé Faujas confessait les mardis et les vendredis. Ces jours-là, Marthe évitait de se rendre à Saint-Saturnin, elle disait qu’elle ne voulait pas le déranger ; mais elle obéissait plus encore à cette sorte de pudeur effrayée qui la gênait, lorsqu’elle le trouvait en surplis, apportant dans la mousseline les odeurs discrètes de la sacristie. Un vendredi, elle alla avec madame de Condamin voir où en étaient les travaux de l’œuvre de la Vierge. Les ouvriers achevaient la façade. Madame de Condamin se récria, trouvant la décoration mesquine, sans caractère ; il aurait fallu deux légères colonnes avec une ogive, quelque chose de jeune et de religieux à la fois, un bout d’architecture qui fît honneur au comité des dames patronnesses. Marthe, hésitante, peu à peu ébranlée, finit par avouer que ce serait bien pauvre en effet. Puis, comme l’autre la poussait, elle promit de parler le jour même à M. Lieutaud. Avant de rentrer, pour tenir parole, elle passa par la cathédrale. Il était quatre heures, l’architecte venait de partir. Quand elle demanda l’abbé Faujas, un sacristain lui répondit qu’il confessait dans la chapelle Sainte-Aurélie. Alors seulement elle se souvint du jour, elle murmura qu’elle ne pouvait attendre. Mais en se retirant, lorsqu’elle passa devant la chapelle Sainte-Aurélie, elle pensa que l’abbé l’avait peut-être vue. La vérité était