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LES ROUGON-MACQUART.

— Non, je ne puis, je vous assure, dit-il ; il est préférable que vous preniez l’abbé Bourrette.

— J’aurais pourtant grand besoin de vos conseils, murmura Marthe suppliante. Il me semble qu’avec vous tout me deviendrait facile.

— Vous vous trompez, reprit-il d’une voix plus rude. J’ai peur, au contraire, que ma direction ne vous soit mauvaise, dans les commencements. L’abbé Bourrette est le prêtre qu’il vous faut, croyez-moi… Plus tard, je vous donnerai peut-être une autre réponse.

Marthe obéit. Le lendemain, les dévotes de Saint-Saturnin furent grandement surprises en voyant madame Mouret venir s’agenouiller devant le confessionnal de l’abbé Bourrette. Deux jours après, il n’était bruit dans Plassans que de cette conversion. Le nom de l’abbé Faujas fut prononcé avec de fins sourires, par certaines gens ; mais, en somme, l’impression fut excellente, toute au profit de l’abbé. Madame Rastoil complimenta madame Mouret, en plein comité ; madame Delangre voulut voir là une première bénédiction de Dieu, récompensant les dames patronnesses de leur bonne œuvre, en touchant le cœur de la seule d’entre elles qui ne pratiquât pas ; tandis que madame de Condamin dit à Marthe, en la prenant à l’écart :

— Allez, ma chère, vous avez eu raison ; cela est nécessaire pour une femme. Puis, vraiment, dès qu’on sort un peu, il faut bien aller à l’église.

On s’étonna seulement du choix de l’abbé Bourrette. Le digne homme ne confessait guère que les petites filles. Ces dames le trouvaient « si peu amusant ! » Au jeudi des Rougon, comme Marthe n’était pas encore arrivée, on en causa dans un coin du salon vert, et ce fut madame Paloque qui, de sa langue de vipère, trouva le dernier mot de ces commérages.

— L’abbé Faujas a bien fait de ne pas la garder pour lui,