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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Nous avions emporté des oreillers, dit-elle en montrant d’un regard le gros paquet. On n’est pas mal, en troisième, avec des oreillers. On est aussi bien qu’en première… Dame ! c’est une fière économie. On a beau avoir de l’argent, c’est inutile de le jeter par les fenêtres, n’est-ce pas, madame ?

— Certainement, répondit Marthe, un peu surprise des personnages.

Olympe s’avança, se mit en pleine lumière, entrant en conversation, d’un ton engageant.

— C’est comme les habits ; moi, je mets tout ce que j’ai de plus mauvais, quand je pars en voyage. J’ai dit à Honoré : « Va, ta vieille redingote est bien assez bonne. » Il a aussi son pantalon de travail, un pantalon qu’il est las de traîner… Vous voyez, j’ai choisi ma plus vilaine robe ; elle a même des trous, je crois. Ce châle me vient de maman ; je repassais dessus, à la maison. Et mon bonnet donc ! un vieux bonnet dont je ne me servais plus que pour aller au lavoir… Tout ça, c’est encore trop bon pour la poussière, n’est-ce pas, madame ?

— Certainement, certainement, répéta Marthe, qui tâchait de sourire.

À ce moment, une voix irritée se fit entendre au haut de l’escalier, jetant cette brève exclamation :

— Eh bien, mère ?

Mouret, levant la tête, aperçut l’abbé Faujas, appuyé à la rampe du second étage, le visage terrible, se penchant, au risque de tomber, pour mieux voir ce qui se passait dans le vestibule. Il avait entendu le bruit des voix, il devait être là depuis un instant à s’impatienter.

— Eh bien, mère ? cria-t-il de nouveau.

— Oui, oui, nous montons, répondit madame Faujas, que l’accent furieux de son fils parut faire trembler.

Et, se tournant vers les Trouche :