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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

sera bachelier. Il vaut mieux lui apprendre tout de suite à gagner sa vie que de le laisser flâner avec un tas de gueux. On ne rencontre que lui, dans la ville.

Marthe fut très-émue ; elle s’éveilla comme d’un rêve, en apprenant qu’un de ses enfants allait se séparer d’elle. Pendant huit jours, elle obtint que le départ serait différé. Elle resta même davantage à la maison, elle reprit sa vie active d’autrefois. Puis, elle s’alanguit de nouveau ; et, le jour où Octave l’embrassa, en lui apprenant qu’il partait le soir pour Marseille, elle fut sans force, elle se contenta de lui donner de bons conseils.

Mouret, quand il revint du chemin de fer, avait le cœur gros. Il chercha sa femme, la trouva dans le jardin, sous une tonnelle où elle pleurait. Là, il se soulagea.

— En voilà un de moins ! cria-t-il. Ça doit te faire plaisir. Tu pourras rôder dans les églises à ton aise… Va, sois tranquille, les deux autres ne resteront pas longtemps. Je garde Serge, parce qu’il est très-doux, et que je le trouve un peu jeune pour aller faire son droit ; mais, s’il te gêne, tu le diras, je t’en débarrasserai aussi… Quant à Désirée, elle ira chez sa nourrice.

Marthe continuait à pleurer silencieusement.

— Que veux-tu ? on ne peut pas être dehors et chez soi. Tu as choisi le dehors, tes enfants ne sont plus rien pour toi, c’est logique… D’ailleurs maintenant, n’est-ce pas ? il faut faire de la place pour tout ce monde qui vit dans notre maison. Elle n’est plus assez grande, notre maison. Ce sera heureux, si l’on ne nous met pas à la porte nous-mêmes.

Il avait levé la tête, il examinait les fenêtres du second étage. Puis, baissant la voix :

— Ne pleure donc pas comme une bête ; on te regarde. Tu n’aperçois pas cette paire d’yeux entre les rideaux rouges ? Ce sont les yeux de la sœur de l’abbé, je les connais bien. On est sûr de les trouver là, pendant toute la