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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

son inspection, avec l’aisance tranquille d’une personne qui visite une propriété à vendre. Au moment où Rose soulevait la petite malle, elle rentra dans le vestibule, en disant simplement :

— Je monte l’aider.

Et elle monta derrière la domestique. Le prêtre ne tourna pas même la tête ; il souriait aux trois enfants, restés debout devant lui. Son visage avait une expression de grande douceur, quand il voulait, malgré la dureté du front et les plis rudes de la bouche.

— C’est toute votre famille, madame ? demanda-t-il à Marthe, qui s’était approchée.

— Oui, monsieur, répondit-elle, gênée par le regard clair qu’il fixait sur elle.

Mais il regarda de nouveau les enfants, il continua :

— Voilà deux grands garçons qui seront bientôt des hommes… Vous avez fini vos études, mon ami ?

Il s’adressait à Serge. Mouret coupa la parole à l’enfant.

— Celui-ci a fini, bien qu’il soit le cadet. Quand je dis qu’il a fini, je veux dire qu’il est bachelier, car il est rentré au collège pour faire une année de philosophie : c’est le savant de la famille… L’autre, l’aîné, ce grand dadais ne vaut pas grand’chose, allez. Il s’est déjà fait refuser deux fois au baccalauréat, et vaurien avec cela, toujours le nez en l’air, toujours polissonnant. »

Octave écoutait ces reproches en souriant, tandis que Serge avait baissé la tête sous les éloges. Faujas parut un instant encore les étudier en silence ; puis, passant à Désirée, retrouvant son air tendre :

— Mademoiselle, demanda-t-il, me permettrez-vous d’être votre ami ?

Elle ne répondit pas ; elle vint, presque effrayée, se cacher le visage contre l’épaule de sa mère. Celle-ci, au lieu