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LES ROUGON-MACQUART.

sur lui-même, il lui tendit la main presque aussitôt, s’humiliant, mettant les assistants de son côté par sa bonne grâce à offrir des excuses « à cette grande bête de Saturnin, » comme on le nommait.

Si l’abbé avait conquis les femmes et les enfants, il restait sur un pied de simple politesse avec les pères et les maris. Les personnages graves continuaient à se méfier de lui, en le voyant rester à l’écart de tout groupe politique. À la sous-préfecture, M. Péqueur des Saulaies le discutait vivement ; tandis que M. Delangre, sans le défendre d’une façon nette, disait avec de fins sourires qu’il fallait attendre pour juger. Chez M. Rastoil, il était devenu un véritable trouble-ménage. Séverin et sa mère ne cessaient de fatiguer le président des éloges du prêtre.

— Bien ! Bien ! il a toutes les qualités que vous voudrez, criait le malheureux. C’est convenu, laissez-moi tranquille. Je l’ai fait inviter à dîner ; il n’est pas venu. Je ne puis pourtant pas aller le prendre par le bras pour l’amener.

— Mais, mon ami, disait madame Rastoil, quand tu le rencontres, tu le salues à peine. C’est cela qui a dû le froisser.

— Sans doute, ajoutait Séverin ; il s’aperçoit bien que vous n’êtes pas avec lui comme vous devriez être.

M. Rastoil haussait les épaules. Lorsque M. de Bourdeu était là, tous deux accusaient l’abbé Faujas de pencher vers la sous-préfecture. Madame Rastoil faisait remarquer qu’il n’y dînait pas, qu’il n’y avait même jamais mis les pieds.

— Certainement, répondait le président, je ne l’accuse pas d’être bonapartiste… Je dis qu’il penche, voilà tout. Il a eu des rapports avec M. Delangre.

— Eh ! vous aussi, s’écriait Séverin, vous avez eu des rapports avec le maire ! On y est bien forcé, dans certaines circonstances… Dites que vous ne pouvez pas souffrir l’abbé Faujas, cela vaudra mieux.