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LES ROUGON-MACQUART.

— Ah ! monsieur l’abbé Faujas est là ?

Il rencontra le regard de M. Rastoil. Tous deux semblèrent gênés.

— On m’a raconté, hasarda le président, que l’abbé est rentré en faveur auprès de monseigneur.

— Oui, ce matin même, dit M. Maffre. Oh ! une réconciliation complète. J’ai eu des détails très-touchants. Monseigneur a pleuré… Vraiment, l’abbé Fenil a eu quelques torts.

— Je vous croyais l’ami du grand vicaire, fit remarquer M. de Bourdeu.

— Sans doute, mais je suis aussi l’ami de monsieur le curé, répliqua vivement le juge de paix. Dieu merci ! il est d’une piété qui défie les calomnies. N’est-on pas allé jusqu’à attaquer sa moralité ? C’est une honte !

L’ancien préfet regarda de nouveau le président d’un air singulier.

— Et n’a-t-on pas cherché à compromettre monsieur le curé dans les affaires politiques ! continua M. Maffre. On disait qu’il venait tout bouleverser ici, donner des places à droite et à gauche, faire triompher la clique de Paris. On n’aurait pas plus mal parlé d’un chef de brigands… Un tas de mensonges, enfin !

M. de Bourdeu, du bout de sa canne, dessinait un profil sur le sable de l’allée.

— Oui, j’ai entendu parler de ces choses, dit-il négligemment ; il est bien peu croyable qu’un ministre de la religion accepte un tel rôle… D’ailleurs, pour l’honneur de Plassans, je veux croire qu’il échouerait complètement. Il n’y a ici personne à acheter.

— Des cancans ! s’écria le président, en haussant les épaules. Est-ce qu’on retourne une ville comme une vieille veste ? Paris peut nous envoyer tous ses mouchards, Plassans restera légitimiste. Voyez le petit Péqueur ? Nous n’en avons