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LES ROUGON-MACQUART.

et de l’abbé, pensait la femme du juge ; elle est trop fine pour déranger sa vie.

Enfin, madame de Condamin se retira. Marthe la suivit des yeux, paraissant attendre qu’elle ne fût plus là. Alors, elle s’appuya au confessionnal, se laissa aller, heurta rudement le bois de ses genoux. Madame Paloque s’était rapprochée, allongeant le cou ; mais elle ne vit que la robe sombre de la pénitente qui débordait et s’étalait. Pendant près d’une demi-heure, rien ne bougea. Elle crut un moment surprendre des sanglots étouffés dans le silence frissonnant, que coupait parfois un craquement sec du confessionnal. Cet espionnage finissait par l’ennuyer ; elle ne restait que pour dévisager Marthe à sa sortie.

L’abbé Faujas quitta le confessionnal le premier, fermant la porte d’une main irritée. Madame Mouret demeura longtemps encore, immobile, courbée, dans l’étroite caisse. Quand elle se retira, la voilette baissée, elle paraissait brisée. Elle oublia de se signer.

— Il y a de la brouille, l’abbé n’a pas été gentil, murmura la Paloque, qui la suivit jusque sur la place de l’Archevêché.

Elle s’arrêta, hésita un instant ; puis, après s’être assurée que personne ne l’épiait, elle fila sournoisement dans la maison qu’occupait l’abbé Fenil, à un des angles de la place.

Maintenant, Marthe vivait à Saint-Saturnin. Elle remplissait ses devoirs religieux avec une grande ferveur. Même l’abbé Faujas la grondait souvent de la passion qu’elle mettait dans la pratique. Il ne lui permettait de communier qu’une fois par mois, réglait ses heures d’exercices pieux, exigeait d’elle qu’elle ne s’enfermât pas dans la dévotion. Elle l’avait longtemps supplié, avant qu’il lui accordât d’assister chaque matin à une messe basse. Un jour, comme elle lui racontait qu’elle s’était couchée pendant une heure sur le carreau glacé de sa chambre, pour se punir d’une