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LES ROUGON-MACQUART.

trésorière de l’œuvre de la Vierge, j’ai le droit d’entrer partout ici.

Madame Faujas, debout, appuyée contre la porte, avait rajusté ses lunettes sur son nez. Elle se remit à son tricot avec le plus beau sang-froid du monde.

— Non, dit-elle carrément, vous n’entrerez pas.

— Ah !… Et pourquoi, je vous prie ?

— Parce que je ne veux pas.

La femme du juge sentit que son coup était manqué ; la bile l’étouffait. Elle devint effrayante, répétant, bégayant :

— Je ne vous connais pas, je ne sais pas ce que vous faites là, je pourrais crier et vous faire arrêter ; car vous m’avez battue. Il faut qu’il se passe de bien vilaines choses, derrière cette porte, pour que vous soyez chargée d’empêcher les gens de la maison d’entrer. Je suis de la maison, entendez-vous ?… Laissez-moi passer, ou je vais appeler tout le monde.

— Appelez qui vous voudrez, répondit la vieille dame en haussant les épaules. Je vous ai dit que vous n’entreriez pas ; je ne veux pas, c’est clair… Est-ce que je sais si vous êtes de la maison ? D’ailleurs, vous en seriez, que cela serait tout comme. Personne ne peut entrer… C’est mon affaire.

Alors, madame Paloque perdit toute mesure ; elle éleva le ton, elle cria :

— Je n’ai pas besoin d’entrer. Ça me suffit. Je suis édifiée. Vous êtes la mère de l’abbé Faujas, n’est-ce pas ? Eh bien ! c’est du propre, vous faites là un joli métier !… Certes non, je n’entrerai pas ; je ne veux pas me mêler de toutes ces saletés.

Madame Faujas, posant son tricot sur la chaise, la regardait à travers ses lunettes avec des yeux luisants, un peu courbée, les mains en avant, comme près de se jeter sur elle, pour la faire taire. Elle allait s’élancer, lorsque la porte s’ouvrit brusquement et que l’abbé Faujas parut sur le seuil. Il était en surplis, l’air sévère.