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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

tant les retraites, les longs chapelets, les prières répétées devant chaque station du chemin de la croix ; il lui permit même de venir deux fois par semaine, à son confessionnal de Saint-Saturnin. Marthe, n’entendant plus cette voix terrible qui l’accusait de sa piété comme d’un vice honteusement satisfait, pensa que Dieu lui avait fait grâce. Elle entra enfin dans les délices du paradis. Elle eut des attendrissements, des larmes intarissables qu’elle pleurait sans les sentir couler ; crises nerveuses, d’où elle sortait affaiblie, évanouie, comme si toute sa vie s’en était allée le long de ses joues. Rose la portait alors sur son lit, où elle restait pendant des heures avec les lèvres minces, les yeux entrouverts d’une morte.

Une après-midi, la cuisinière, effrayée de son immobilité, crut qu’elle expirait. Elle ne songea pas à frapper à la porte de la pièce où Mouret était enfermé ; elle monta au second étage, supplia l’abbé Faujas de descendre auprès de sa maîtresse. Quand il fut là, dans la chambre à coucher, elle courut chercher de l’éther, le laissant seul, en face de cette femme évanouie, jetée en travers du lit. Lui, se contenta de prendre les mains de Marthe entre les siennes. Alors, elle s’agita, répétant des mots sans suite. Puis, lorsqu’elle le reconnut, debout au seuil de l’alcôve, un flot de sang lui monta à la face, elle ramena sa tête sur l’oreiller, fit un geste comme pour tirer les couvertures à elle.

— Allez-vous mieux, ma chère enfant ? lui demanda-t-il. Vous me donnez bien de l’inquiétude.

La gorge serrée, ne pouvant répondre, elle éclata en sanglots, elle laissa rouler sa tête entre les bras du prêtre.

— Je ne souffre pas, je suis trop heureuse, murmura-t-elle d’une voix faible comme un souffle. Laissez-moi pleurer, les larmes sont ma joie. Ah ! que vous êtes bon d’être venu ! Il y a longtemps que je vous attendais, que je vous appelais.