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LES ROUGON-MACQUART.

Marthe, les couvertures au menton, dit qu’elle avait chaud, qu’elle se trouvait mieux, madame Faujas parla de souffler la bougie, pour qu’elle dormît tranquillement ; mais la malade se souleva effarée, suppliante :

— Non, n’éteignez pas la lumière ; mettez-la sur la commode, que je puisse la voir… Je mourrais dans ces ténèbres.

Et, les yeux agrandis, comme frissonnant au souvenir de quelque drame affreux :

— C’est horrible, horrible ! murmura-t-elle plus bas avec une pitié épouvantée.

Elle retomba sur l’oreiller, elle parut s’assoupir, et madame Faujas quitta la chambre doucement. Ce soir-là, toute la maison fut couchée à dix heures. Rose, en montant, remarqua que Mouret était encore dans son bureau. Elle regarda par la serrure, elle le vit endormi sur la table, à côté d’une chandelle de la cuisine dont la mèche lugubre charbonnait.

— Ma foi, tant pis ! je ne le réveille pas, dit-elle en continuant à monter. Qu’il prenne un torticolis, si ça lui fait plaisir.

Vers minuit, la maison dormait profondément, lorsque des cris se firent entendre au premier étage. Ce furent d’abord des plaintes sourdes, qui devinrent bientôt de véritables hurlements, des appels étranglés et rauques de victime qu’on égorge. L’abbé Faujas, éveillé en sursaut, appela sa mère. Celle-ci prit à peine le temps de passer un jupon. Elle alla frapper à la porte de Rose, disant :

— Descendez vite, je crois qu’on assassine madame Mouret.

Cependant, les cris redoublaient. La maison fut bientôt debout. Olympe se montra, les épaules couvertes d’un simple fichu, suivie de Trouche, qui rentrait à peine, légèrement gris. Rose descendit, suivie des autres locataires.