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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Certainement, monsieur ; je m’étais mise sur la porte. Ils ont tous passé devant moi, ce qui même n’a pas paru faire plaisir à madame Faujas. Attendez… On a d’abord monté un lit de fer, puis une commode, deux tables, quatre chaises… Ma foi, c’est tout… Et des meubles pas neufs. Je n’en donnerais pas trente écus.

— Mais il fallait avertir madame ; nous ne pouvons pas louer dans des conditions pareilles… Je vais de ce pas m’expliquer avec l’abbé Bourrette.

Il se fâchait, il sortait, lorsque Marthe réussit à l’arrêter net, en disant :

— Écoute donc, j’oubliais… Ils ont payé six mois à l’avance.

— Ah ! ils ont payé ? balbutia-t-il d’un ton presque fâché.

— Oui, c’est la vieille dame qui est descendue et qui m’a remis ceci.

Elle fouilla dans sa table à ouvrage, elle donna à son mari soixante-quinze francs en pièces de cent sous, enveloppées soigneusement dans un morceau de journal. Mouret compta l’argent, en murmurant.

— S’ils payent, ils sont bien libres… N’importe, ce sont de drôles de gens. Tout le monde ne peut pas être riche, c’est sûr ; seulement, ce n’est pas une raison, quand on n’a pas le sou, pour se donner ainsi des allures suspectes.

— Je voulais te dire aussi, reprit Marthe en le voyant calmé : la vieille dame m’a demandé si nous étions disposés à lui céder le lit de sangle ; je lui ai répondu que nous n’en faisions rien, qu’elle pouvait le garder tant qu’elle voudrait.

— Tu as bien fait, il faut les obliger… Moi, je te l’ai dit, ce qui me contrarie avec ces diables de curés, c’est qu’on ne sait jamais ce qu’ils pensent ni ce qu’ils font. À part cela, il y a souvent des hommes très-honorables parmi eux.

L’argent paraissait l’avoir consolé. Il plaisanta, tourmenta