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LES ROUGON-MACQUART.

le poing à Mouret. Mettre une femme dans un état pareil !… Il l’aurait achevée, si nous n’étions pas arrivés à temps.

Madame Faujas et Olympe s’empressaient autour de Marthe.

— Pauvre amie ! murmurait la première. Elle avait un pressentiment ce soir, elle était tout effrayée.

— Où avez-vous mal ? demandait l’autre. Vous n’avez rien de cassé, n’est-ce pas ?… Voilà une épaule toute noire ; le genou a une grande écorchure… Calmez-vous. Nous sommes avec vous, nous vous défendrons.

Marthe ne geignait plus que comme un enfant. Tandis que les deux femmes l’examinaient, oubliant qu’il y avait là des hommes, Trouche allongeait la tête en jetant des regards sournois à l’abbé, qui, sans affectation, achevait de ranger les meubles. Rose vint aider à la recoucher. Quand elle fut dans le lit, les cheveux noués, ils restèrent tous là un instant, étudiant curieusement la chambre, attendant des détails. Mouret était demeuré debout dans le même coin, sans lâcher le bougeoir, comme pétrifié par ce qu’il avait vu.

— Je vous assure, balbutia-t-il, je ne lui ai pas fait de mal, je ne l’ai pas touchée du bout du doigt.

— Eh ! il y a un mois que vous guettez une occasion, cria Rose exaspérée ; nous le savons bien, nous vous avons assez surveillé. La chère femme s’attendait à vos mauvais traitements. Tenez, ne mentez pas ; cela me met hors de moi !

Les deux autres femmes, si elles ne se croyaient pas autorisées à lui parler de la sorte, lui jetaient des regards menaçants.

— Je vous assure, répéta Mouret d’une voix douce, je ne l’ai pas battue. Je venais me coucher, j’avais mis mon foulard. C’est lorsque j’ai touché à la bougie, qui était sur la commode, qu’elle s’est éveillée en sursaut ; elle a étendu les bras en poussant un cri, elle s’est mise à se taper le front avec les poings, à se déchirer le corps avec les ongles.