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XVIII


Le dimanche, par une habitude d’ancien commerçant, Mouret sortait, faisait un tour en ville. Il ne quittait plus que ce jour-là la solitude étroite où il s’enfermait avec une sorte de honte. C’était machinal. Dès le matin, il se rasait, passait une chemise blanche, brossait sa redingote et son chapeau ; puis, après le déjeuner, sans qu’il sût comment, il se trouvait dans la rue, marchant à petits pas, l’air propre, les mains derrière le dos.

Un dimanche, comme il mettait le pied hors de chez lui, il aperçut, sur le trottoir de la rue Balande, Rose, qui causait vivement avec la bonne de M. Rastoil. Les deux cuisinières se turent en le voyant. Elles l’examinaient d’un air tellement singulier, qu’il s’assura si un bout de son mouchoir ne pendait pas d’une de ses poches de derrière. Lorsqu’il fut arrivé à la place de la Sous-Préfecture, il tourna la tête, il les retrouva plantées à la même place : Rose imitait le balancement d’un homme ivre, tandis que la bonne du président riait aux éclats.