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LES ROUGON-MACQUART.

— J’ai vu ce jeune homme, dit-il ; il est venu me faire sa confession générale, et, ma foi ! je lui ai donné l’absolution. À tout péché, miséricorde… Ce n’est pas parce qu’il a décroché quelques enseignes à Plassans et fait des dettes à Paris, qu’il faut le traiter en lépreux.

Lorsque Guillaume eut été reçu, il dit en ricanant aux fils Maffre :

— Eh bien ! vous me devez deux bouteilles de champagne… Vous voyez que le curé fait tout ce que je veux. J’ai une petite machine pour le chatouiller à l’endroit sensible, et alors il rit, mes enfants, il n’a plus rien à me refuser.

— Il n’a pas l’air de beaucoup t’aimer pourtant, fit remarquer Alphonse ; il te regarde joliment de travers.

— Bah ! c’est que je l’aurai chatouillé trop fort… Vous verrez que nous serons bientôt les meilleurs amis du monde.

En effet, l’abbé Faujas parut se prendre d’affection pour le fils du docteur ; il disait que ce pauvre jeune homme avait besoin d’être conduit par une main très-douce. Guillaume, en peu de temps, devint le boute-en-train du cercle ; il inventa des jeux, fit connaître la recette d’un punch au kirsch, débaucha les tout jeunes gens échappés du collége. Ses vices aimables lui donnèrent une influence énorme. Pendant que les orgues ronflaient au-dessus de la salle de billard, il buvait des chopes, entouré des fils de tous les personnages comme il faut de Plassans, leur racontant des indécences qui les faisaient pouffer de rire. Le cercle glissa ainsi aux polissonneries complotées dans les coins. Mais l’abbé Faujas n’entendait rien. Guillaume le donnait « comme une forte caboche, » qui roulait de grandes pensées.

— L’abbé sera évêque quand il voudra, racontait-il. Il a déjà refusé une cure à Paris. Il désire rester à Plassans, il s’est pris de tendresse pour la ville… Moi, je le nommerais député. C’est lui qui ferait nos affaires à la Chambre ! Mais