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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

déclara l’abbé Faujas, les républicains réuniront une minorité imposante, ce qui sera du plus détestable effet.

Madame de Condamin souriait. Elle prétendit ne rien entendre à la politique ; elle se sauva, tandis que l’abbé emmenait le président jusqu’au fond de la tonnelle, où il continua l’entretien à voix basse. Quand ils revinrent à petits pas, M. Rastoil répondait :

— Vous avez raison, ce serait un candidat convenable ; il n’est d’aucun parti, l’entente se ferait sur son nom… Je n’aime pas plus que vous l’empire, n’est-ce pas ? Mais cela finit par devenir puéril d’envoyer à la Chambre des députés qui n’ont pour mandat que de taquiner le gouvernement. Plassans souffre ; il lui faut un homme d’affaires, un enfant du pays en situation de défendre ses intérêts.

— Il brûle ! il brûle ! criait la voix fluette d’Aurélie.

L’abbé Surin, qui conduisait la bande, traversa la tonnelle en furetant.

— Dans l’eau ! dans l’eau ! répétait maintenant la demoiselle, égayée par l’inutilité des recherches.

Mais un des fils Maffre, ayant soulevé un pot de fleurs, découvrit le mouchoir plié en quatre.

— Cette grande perche d’Aurélie aurait pu se le fourrer dans la bouche, dit madame Paloque : il y a de la place, et personne ne serait allé le chercher là.

Son mari la fit taire d’un regard furieux. Il ne lui tolérait plus la moindre parole aigre. Craignant que M. de Condamin eût entendu, il murmura :

— Quelle belle jeunesse !

— Cher monsieur, disait le garde des eaux et forêts à M. de Bourdeu, votre succès est certain ; seulement, prenez vos précautions, lorsque vous serez à Paris. Je sais de bonne source que le gouvernement est décidé à un coup de force, si l’opposition devient gênante.

L’ancien préfet le regarda, très-inquiet, se demandant s’il