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LES ROUGON-MACQUART.

ma fille, ton frère n’est pas assez gentil avec nous pour qu’on le tire d’embarras. Moi, je rirai le jour où la propriétaire lui fera faire le plongeon. Que diable, quand on est bâti comme ça, on ne met pas une femme dans son jeu !

— Oui, Ovide nous méprise trop, murmurait Olympe.

Alors Trouche baissait la voix.

— Dis donc, si la propriétaire se jetait dans quelque puits avec ton bêta de frère, nous resterions les maîtres ; la maison serait à nous. Il y aurait une jolie pelote à faire… Ce serait un vrai dénoûment, celui-là.

Les Trouche, d’ailleurs, avaient envahi le rez-de-chaussée, depuis le départ de Mouret. Olympe s’était plainte d’abord que les cheminées fumaient, en haut ; puis, elle avait fini par persuader à Marthe que le salon, abandonné jusque-là, était la pièce la plus saine de la maison. Rose ayant reçu l’ordre d’y faire un grand feu, les deux femmes passèrent là les journées, dans des causeries sans fin, en face des bûches énormes qui flambaient. Un des rêves d’Olympe était de vivre ainsi, bien habillée, allongée sur un canapé, au milieu du luxe d’un bel appartement. Elle décida Marthe à changer le papier du salon, à acheter des meubles et un tapis. Alors, elle fut une dame. Elle descendait en pantoufles et en peignoir, elle parlait en maîtresse de maison.

— Cette pauvre madame Mouret, disait-elle, a tant de tracas, qu’elle m’a suppliée de l’aider. Je m’occupe un peu de ses affaires. Que voulez-vous ? c’est une bonne œuvre.

Elle avait, en effet, su gagner la confiance de Marthe, qui, par lassitude, se déchargeait sur elle des menus soins de la maison. C’était elle qui tenait les clefs de la cave et des armoires ; en outre, elle payait les fournisseurs. Longtemps elle se consulta pour savoir si elle manœuvrerait de façon à s’installer également dans la salle à manger. Mais Trouche l’en dissuada : ils ne seraient plus libres de manger ni de