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LES ROUGON-MACQUART.

semble à un cimetière. Moi, j’aimerais pour bordure des branches de fonte imitant des bois rustiques… Je déciderai la propriétaire. Fais toujours arracher les buis.

Les buis furent arrachés. Huit jours plus tard, le jardinier posait les bois rustiques. Trouche déplaça encore plusieurs arbres fruitiers qui gênaient la vue, fit repeindre les tonnelles en vert clair, orna le jet d’eau de rocailles. La cascade de M. Rastoil le tentait furieusement ; mais il se contenta de choisir la place où il en établirait une semblable, « si les affaires marchaient bien. »

— Ce sont les voisins qui doivent ouvrir des yeux ! disait-il le soir à sa femme. Ils voient bien qu’un homme de goût est là maintenant… Au moins, cet été, quand nous nous mettrons à la fenêtre, ça sentira bon, et nous aurons une jolie vue.

Marthe laissait faire, approuvait tous les projets qu’on lui soumettait ; d’ailleurs, on finissait par ne plus même la consulter. Les Trouche n’avaient à lutter que contre madame Faujas, qui continuait à leur disputer la maison pied à pied. Lorsque Olympe s’était emparée du salon, elle avait dû livrer une bataille en règle à sa mère. Peu s’en était fallu que celle-ci ne l’emportât. Ce fut le prêtre qui dérangea la victoire.

— Ta gueuse de sœur dit pis que pendre de nous à la propriétaire, se plaignait sans cesse madame Faujas. Je vois dans son jeu, elle veut nous supplanter, avoir tout l’agrément pour elle… Est-ce qu’elle ne s’établit pas maintenant dans le salon, comme une dame, cette vaurienne !

Le prêtre n’écoutait pas, avait des gestes brusques d’impatience. Un jour, il se fâcha, il cria :

— Je vous en prie, mère, laissez-moi tranquille. Ne me parlez plus d’Olympe ni de Trouche… Qu’ils se fassent pendre, s’ils veulent !

— Ils prennent la maison, Ovide, ils ont des dents de