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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

Il soupirait, il ajoutait à voix basse :

— Je serais heureux, si je ne craignais de vous perdre, mon cher Surin… Il finira par ne plus vous tolérer ici. Hier, il m’a paru vous regarder avec des yeux soupçonneux. Je vous en conjure, dites toujours comme lui, mettez-vous de son côté, ne m’épargnez pas. Hélas ! je n’ai plus que vous.

Deux mois après les élections, l’abbé Vial, un des grands vicaires de monseigneur, alla s’installer à Rome. Naturellement l’abbé Faujas se donna la place, bien qu’elle fût promise depuis longtemps à l’abbé Bourrette. Il ne nomma pas même ce dernier à la cure de Saint-Saturnin, qu’il quittait ; il mit là un jeune prêtre ambitieux, dont il avait fait sa créature.

— Monseigneur n’a pas voulu entendre parler de vous, dit-il sèchement à l’abbé Bourrette, lorsqu’il le rencontra.

Et comme le vieux prêtre balbutiait qu’il verrait monseigneur, qu’il lui demanderait une explication, il ajouta plus doucement :

— Monseigneur est trop souffrant pour vous recevoir. Reposez-vous sur moi, je plaiderai votre cause.

Dès son entrée à la Chambre, M. Delangre avait voté avec la majorité. Plassans était conquis ouvertement à l’empire. Il semblait même que l’abbé mit quelque vengeance à brutaliser ces bourgeois prudents, condamnant de nouveau les petites portes de l’impasse des Chevillottes, forçant M. Rastoil et ses amis à entrer chez le sous-préfet par la place, par la porte officielle. Quand il se montrait aux réunions intimes, ces messieurs restaient très-humbles devant lui. Et telle était la fascination, la terreur sourde de son grand corps débraillé, que, même lorsqu’il n’était pas là, personne n’osait risquer le moindre mot équivoque sur son compte.

— C’est un homme du plus grand mérite, déclarait M. Péqueur des Saulaies, qui comptait sur une préfecture.