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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

montée ?… Redescendez et attendez-moi, si vous avez quelque chose à me dire.

Elle le poussa, elle entra sans prononcer une parole.

Lui, hésita un instant, luttant contre la brutalité qui lui faisait déjà lever la main. Il restait debout, en face d’elle, sans refermer la porte grande ouverte.

— Que voulez-vous ? répéta-t-il ; je suis occupé.

Alors, elle alla fermer la porte. Puis, seule avec lui, elle s’approcha. Elle dit enfin :

— J’ai à vous parler.

Elle s’était assise, regardant la chambre, le lit étroit, la commode pauvre, le grand christ de bois noir, dont la brusque apparition sur la nudité du mur lui donna un court frisson. Une paix glaciale tombait du plafond. Le foyer de la cheminée était vide, sans une pincée de cendre.

— Vous allez prendre froid, dit le prêtre d’une voix calmée. Je vous en prie, descendons.

— Non, j’ai à vous parler, dit-elle de nouveau.

Et, les mains jointes, en pénitente qui se confesse

— Je vous dois beaucoup… Avant votre venue, j’étais sans âme. C’est vous qui avez voulu mon salut. C’est par vous que j’ai connu les seules joies de mon existence. Vous êtes mon sauveur et mon père. Depuis cinq ans, je ne vis que par vous et pour vous.

Sa voix se brisait, elle glissait sur les genoux. Il l’arrêta d’un geste.

— Eh bien ! cria-t-elle, aujourd’hui je souffre, j’ai besoin de votre aide… Écoutez-moi, mon père. Ne vous retirez pas de moi. Vous ne pouvez m’abandonner ainsi… Je vous dis que Dieu ne m’entend plus. Je ne le sens plus… Ayez pitié, je vous en prie. Conseillez-moi, menez-moi à ces grâces divines dont vous m’avez fait connaître les premiers bonheurs ; apprenez-moi ce que je dois faire pour guérir, pour aller toujours plus avant dans l’amour de Dieu.