Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
LES ROUGON-MACQUART.

laquelle traînait un meuble à housses blanches, jaunies par l’humidité du jardin.

— C’est insupportable, murmura Mouret, en essuyant la poussière d’une petite console, cette Rose laisse tout à l’abandon.

Et, se tournant vers sa belle-mère, d’une voix où l’ironie perçait :

— Vous nous excusez de vous recevoir ainsi dans notre pauvre demeure… Tout le monde ne peut pas être riche.

Félicité suffoquait. Elle regarda un instant Mouret fixement près d’éclater ; puis, faisant effort, elle baissa lentement les paupières ; quand elle les releva, elle dit d’une voix aimable :

— Je viens de souhaiter le bonjour à madame de Condamin, et je suis entrée pour savoir comment va la petite famille… Les enfants se portent bien, n’est-ce pas ? et vous aussi, mon cher Mouret ?

— Oui, tout le monde se porte à merveille, répondit-il, étonné de cette grande amabilité.

Mais la vieille dame ne lui laissa pas le temps de remettre la conversation sur un ton hostile. Elle questionna affectueusement Marthe sur une foule de riens, elle se fit bonne grand’maman, grondant son gendre de ne pas lui envoyer plus souvent « les petits et la petite. » Elle était si heureuse de les voir !

— Ah ! vous savez, dit-elle enfin négligemment, voici octobre ; je vais reprendre mon jour, le jeudi, comme les autres saisons… Je compte sur toi, n’est-ce pas, ma chère Marthe ?… Et vous, Mouret, ne vous verra-t-on pas quelquefois, nous bouderez-vous toujours ?

Mouret, que le caquetage attendri de sa belle-mère finissait par troubler, resta court sur la riposte. Il ne s’attendait pas à ce coup, il ne trouva rien de méchant, se contentant de répondre :