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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

ventre, il reprit sa marche, ému d’un égoïsme naïf qui le faisait pleurer sur lui-même, tandis qu’il murmurait :

— Ce pauvre Compan, ce pauvre Compan…

Mouret restait perplexe. L’abbé Faujas finissait par lui échapper tout à fait.

— On m’avait pourtant donné des détails bien précis, essaya-t-il de dire encore. Ainsi, il était question de lui trouver une grande situation.

— Eh ! non, je vous assure que non ! s’écria le prêtre ; Faujas n’a pas d’avenir… Un autre fait. Vous savez que je dîne tous les mardis chez monsieur le président. L’autre semaine, il m’avait prié instamment de lui amener Faujas. Il voulait le connaître, le juger sans doute… Eh bien ! vous ne devineriez jamais ce que Faujas a fait. Il a refusé l’invitation, mon cher monsieur, il a refusé carrément. J’ai eu beau lui dire qu’il allait se rendre l’existence impossible à Plassans, qu’il achevait de se brouiller avec Fenil, en faisant une pareille impolitesse à monsieur Rastoil ; il s’est entêté, il n’a rien voulu entendre… Je crois même, Dieu me pardonne ! qu’il m’a dit, dans un moment de colère, qu’il n’avait pas besoin de s’engager en acceptant un dîner de la sorte.

L’abbé Bourrette se mit à rire. Il était arrivé devant Saint-Saturnin ; il retint un instant Mouret à la petite porte de l’église.

— C’est un enfant, un grand enfant, continua-t-il. Je vous demande un peu, croire qu’un dîner de monsieur Rastoil pouvait le compromettre !… Aussi votre belle-mère, la bonne madame Rougon, m’ayant chargé hier d’une invitation pour Faujas, ne lui avais-je pas caché que je craignais fort d’être mal reçu.

Mouret dressa l’oreille.

— Ah ! ma belle-mère vous avait chargé d’une invitation ?