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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Tu ne sais pas, continua-t-il, il faut inviter les Faujas à venir passer la soirée ici. Comme cela, ils se chaufferont au moins pendant deux ou trois heures. Puis, ça nous fera une compagnie, nous nous ennuierons moins… Invite-les, toi ; ils n’oseront pas refuser.

Le lendemain, Marthe, ayant rencontré madame Faujas dans le vestibule, fit l’invitation. La vieille dame accepta sur-le-champ, au nom de son fils, sans le moindre embarras.

— C’est bien étonnant qu’elle n’ait pas fait de grimaces, dit Mouret. Je croyais qu’il aurait fallu les prier davantage. L’abbé commence à comprendre qu’il a tort de vivre en loup.

Le soir, Mouret voulut que la table fût desservie de bonne heure. Il avait sorti une bouteille de vin cuit et fait acheter une assiettée de petits gâteaux. Bien qu’il ne fût pas large, il tenait à montrer qu’il n’y avait pas que les Rougon qui sussent faire les choses. Les gens du second descendirent, vers huit heures. L’abbé Faujas avait une soutane neuve. Cela surprit Mouret si fort, qu’il ne put que balbutier quelques mots, en réponse aux compliments du prêtre.

— Vraiment, monsieur l’abbé ; tout l’honneur est pour nous… Voyons, mes enfants, donnez donc des chaises.

On s’assit autour de la table. Il faisait trop chaud, Mouret ayant bourré le poêle outre mesure, pour prouver qu’il ne regardait pas à une bûche de plus. L’abbé Faujas se montra très-doux ; il caressa Désirée, interrogea les deux garçons sur leurs études. Marthe, qui tricotait des bas, levait par instants les yeux, étonnée des inflexions souples de cette voix étrangère, qu’elle n’était pas habituée à entendre dans la paix lourde de la salle à manger. Elle regardait en face le visage fort du prêtre, ses traits carrés ; puis, elle baissait de nouveau la tête, sans chercher à cacher l’intérêt qu’elle prenait à cet homme si robuste et si tendre, qu’elle savait très-pauvre. Mouret, maladroitement dévorait la soutane neuve