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LA CURÉE

des verres de madère, faisant collation sur la grande table du milieu, où traînaient des bouteilles et des assiettes de petits fours. Ces dames étaient chez elles, parlaient librement, et lorsqu’elles se pelotonnaient autour de la pièce, on aurait dit un vol blanc de lesbiennes qui se serait abattu sur les divans d’un salon parisien. Maxime, qu’elles toléraient et qu’elles aimaient pour son air de fille, était le seul homme admis dans le cénacle. Il y goûtait des jouissances divines ; il glissait le long des divans comme une couleuvre agile ; on le retrouvait sous une jupe, derrière un corsage, entre deux robes, où il se faisait tout petit, se tenant bien tranquille, respirant la chaleur parfumée de ses voisines avec des mines d’enfant de chœur avalant le bon Dieu.

— Il se fourre partout, ce petit-là, disait la baronne de Meinhold, en lui tapotant les joues.

Il était si fluet que ces dames ne lui donnaient guère plus de quatorze ans. Elles s’amusèrent à le griser avec le madère de l’illustre Worms. Il leur dit des choses stupéfiantes, qui les firent rire aux larmes. Toutefois, ce fut la marquise d’Espanet qui trouva le mot de la situation. Comme on découvrit un jour Maxime, dans un angle des divans, derrière son dos :

— Voilà un garçon qui aurait dû naître fille, murmura-t-elle, à le voir si rose, si rougissant, si pénétré du bien-être qu’il avait éprouvé dans son voisinage.

Puis, lorsque le grand Worms recevait enfin Renée, Maxime pénétrait avec elle dans le cabinet. Il s’était permis de parler deux ou trois fois, pendant que le maître s’absorbait dans le spectacle de sa cliente, comme