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LA CURÉE

de son père et des abandons, des mollesses de sa mère, il était un produit défectueux, où les défauts des parents se complétaient et s’empiraient. Cette famille vivait trop vite ; elle se mourait déjà dans cette créature frêle, chez laquelle le sexe avait dû hésiter, et qui n’était plus une volonté âpre au gain et à la jouissance, comme Saccard, mais une lâcheté mangeant les fortunes faites ; hermaphrodite étrange venu à son heure dans une société qui pourrissait. Quand Maxime allait au Bois, pincé à la taille comme une femme, dansant légèrement sur la selle où le balançait le galop léger de son cheval, il était le dieu de cet âge, avec ses hanches développées, ses longues mains fluettes, son air maladif et polisson, son élégance correcte et son argot des petits théâtres. Il se mettait, à vingt ans, au-dessus de toutes les surprises et de tous les dégoûts. Il avait certainement rêvé les ordures les moins usitées. Le vice chez lui n’était pas un abîme, comme chez certains vieillards, mais une floraison naturelle et extérieure. Il ondulait sur ses cheveux blonds, souriait sur ses lèvres, l’habillait avec ses vêtements. Mais ce qu’il avait de caractéristique, c’était surtout les yeux, deux trous bleus, clairs et souriants, des miroirs de coquettes, derrière lesquels on apercevait tout le vide du cerveau. Ces yeux de fille à vendre ne se baissaient jamais ; ils quêtaient le plaisir, un plaisir sans fatigue, qu’on appelle et qu’on reçoit.

L’éternel coup de vent qui entrait dans l’appartement de la rue de Rivoli et en faisait battre les portes, souffla plus fort, à mesure que Maxime grandit, que Saccard élargit le cercle de ses opérations, et que Renée mit plus de fièvre dans sa recherche d’une jouissance inconnue. Ces trois êtres finirent par y mener une exis-