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LA CURÉE

— Ah ! se contenta de dire le mari.

Et il regarda à son tour le bijou, répétant comme sa femme :

— Il est très joli, très joli.

Puis il s’en alla tranquillement, et Renée gronda Maxime de l’avoir ainsi vendue. Mais il affirma que son père se moquait bien de ça ! Alors elle lui rendit le bracelet en ajoutant :

— Tu passeras chez le bijoutier, tu m’en commanderas un tout pareil ; seulement, tu feras remplacer les émeraudes par des saphirs.

Saccard ne pouvait garder longtemps dans son voisinage une chose ou une personne, sans vouloir la vendre, en tirer un profit quelconque. Son fils n’avait pas vingt ans qu’il songea à l’utiliser. Un joli garçon, neveu d’un ministre, fils d’un grand financier, devait être d’un bon placement. Il était bien un peu jeune, mais on pouvait toujours lui chercher une femme et une dot, quitte à traîner le mariage en longueur, ou à le précipiter, selon les embarras d’argent de la maison. Il eut la main heureuse. Il trouva, dans un conseil de surveillance dont il faisait partie, un grand bel homme, M. de Mareuil, qui, en deux jours, lui appartint. M. de Mareuil était un ancien raffineur du Havre, du nom de Bonnet. Après avoir amassé une grosse fortune, il avait épousé une jeune fille noble, fort riche également, qui cherchait un imbécile de grande mine. Bonnet obtint de prendre le nom de sa femme, ce qui fut pour lui une première satisfaction d’orgueil ; mais son mariage lui avait donné une ambition folle, il rêvait de payer Hélène de sa noblesse en acquérant une haute situation politique. Dès ce moment, il mit de l’argent dans les nouveaux journaux,