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LES ROUGON-MACQUART

À toutes ces bonnes raisons elle répondait, les mains jointes, suppliant et souriant :

— Voyons, mon petit Maxime, sois gentil. Je le veux… Je mettrai un domino bien sombre, nous ne ferons que traverser les salons.

Quand Maxime, qui finissait toujours par céder, et qui aurait mené sa belle-mère dans tous les mauvais lieux de Paris, pour peu qu’elle l’en eût prié, eût consenti à la conduire au bal de Blanche Muller, elle battit des mains comme un enfant auquel on accorde une récréation inespérée.

— Ah ! tu es gentil, dit-elle. C’est pour demain, n’est-ce pas ? Viens me chercher de très bonne heure. Je veux voir arriver ces dames. Tu me les nommeras, et nous nous amuserons joliment…

Elle réfléchit, puis elle ajouta :

— Non, ne viens pas. Tu m’attendras avec un fiacre, sur le boulevard Malesherbes. Je sortirai par le jardin.

Ce mystère était un piment qu’elle ajoutait à son escapade ; simple raffinement de jouissance, car elle serait sortie à minuit par la grande porte, que son mari n’aurait pas seulement mis la tête à la fenêtre.

Le lendemain, après avoir recommandé à Céleste de l’attendre, elle traversa, avec les frissons d’une peur exquise, les ombres noires du parc Monceau. Saccard avait profité de sa bonne amitié avec l’Hôtel de Ville pour se faire donner la clef d’une petite porte du parc, et Renée avait voulu également en avoir une. Elle faillit se perdre, ne trouva le fiacre que grâce aux deux yeux jaunes des lanternes. À cette époque, le boulevard Malesherbes, à peine terminé, était encore, le soir, une véritable solitude. La jeune femme se glissa dans la voiture,