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LA CURÉE

chanté de rencontrer Maxime, et, sans faire attention à la femme masquée qui était avec lui :

— Ah ! mon ami, murmura-t-il d’un air langoureux, elle me fera mourir. Je sais qu’elle va mieux, et elle me ferme toujours sa porte. Dites-lui bien que vous m’avez vu les larmes aux yeux.

— Soyez tranquille, votre commission sera faite, dit le jeune homme avec un rire singulier.

Et, dans l’escalier :

— Eh bien ! belle-maman, ce pauvre garçon ne t’a pas touchée ?

Elle haussa les épaules, sans répondre. En bas, sur le trottoir, elle s’arrêta avant de monter dans le fiacre qui les avait attendus, regardant d’un air hésitant du côté de la Madeleine et du côté du boulevard des Italiens. Il était à peine onze heures et demie, le boulevard avait encore une grande animation.

— Alors, nous allons rentrer, murmura-t-elle avec regret.

— À moins que tu ne veuilles suivre un instant les boulevards en voiture, répondit Maxime.

Elle accepta. Son régal de femme curieuse tournait mal, et elle se désespérait de rentrer ainsi avec une illusion de moins et un commencement de migraine. Elle avait cru longtemps qu’un bal d’actrices était drôle à mourir. Le printemps, comme il arrive parfois dans les derniers jours d’octobre, semblait être revenu ; la nuit avait des tiédeurs de mai, et les quelques frissons froids qui passaient, mettaient dans l’air une gaieté de plus. Renée, la tête à la portière, resta silencieuse, regardant la foule, les cafés, les restaurants, dont la file interminable courait devant elle. Elle était devenue toute sé-