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LA CURÉE

assura que Céleste lui avait préparé une collation à l’hôtel. Cependant, ne voulant pas aller au café Anglais, il avait fait arrêter la voiture au coin de la rue Le Peletier, devant le restaurant du café Riche ; il était même descendu, et comme sa belle-mère hésitait encore :

— Après ça, dit-il, si tu as peur que je te compromette, dis-le… Je vais monter à côté du cocher et te reconduire à ton mari.

Elle sourit, elle descendit du fiacre avec des mines d’oiseau qui craint de se mouiller les pattes. Elle était radieuse. Ce trottoir qu’elle sentait sous ses pieds lui chauffait les talons, lui donnait, à fleur de peau, un délicieux frisson de peur et de caprice contenté. Depuis que le fiacre roulait, elle avait une envie folle d’y sauter. Elle le traversa à petits pas, furtivement, comme si elle eût goûté un plaisir plus vif à redouter d’y être vue. Son escapade tournait décidément à l’aventure. Certes, elle ne regrettait pas d’avoir refusé l’invitation brutale de M. de Saffré. Mais elle serait rentrée horriblement maussade si Maxime n’avait eu l’idée de lui faire goûter au fruit défendu. Celui-ci monta l’escalier vivement, comme s’il était chez lui. Elle le suivit en soufflant un peu. De légers fumets de marée et de gibier traînaient, et le tapis, que des baguettes de cuivre tendaient sur les marches, avait une odeur de poussière qui redoublait son émotion.

Comme ils arrivaient à l’entresol, ils rencontrèrent un garçon, à l’air digne, qui se rangea contre le mur pour les laisser passer.

— Charles, lui dit Maxime, vous nous servirez, n’est-ce pas ?… Donnez-nous le salon blanc.

Charles s’inclina, remonta quelques marches, ouvrit la porte d’un cabinet. Le gaz était baissé, il sembla à