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LA CURÉE

rampe de velours rouge, s’ouvrait en deux branches, légèrement tordues, et entre lesquelles se trouvait, au fond, la porte du grand salon. Sur le premier palier, une immense glace tenait tout le mur. En bas, au pied des branches de l’escalier, sur des socles de marbre, deux femmes de bronze doré, nues jusqu’à la ceinture, portaient de grands lampadaires à cinq becs, dont les clartés vives étaient adoucies par des globes de verre dépoli. Et, des deux côtés, s’alignaient d’admirables pots de majolique, dans lesquels fleurissaient des plantes rares.

Renée montait, et, à chaque marche, elle grandissait dans la glace ; elle se demandait, avec ce doute des actrices les plus applaudies, si elle était vraiment délicieuse, comme on le lui disait.

Puis, quand elle fut dans son appartement, qui était au premier étage, et dont les fenêtres donnaient sur le parc Monceaux, elle sonna Céleste, sa femme de chambre, et se fit habiller pour le dîner. Cela dura cinq bons quarts d’heure. Lorsque la dernière épingle eut été posée, comme il faisait très chaud dans la pièce, elle ouvrit une fenêtre, s’accouda, s’oublia. Derrière elle, Céleste tournait discrètement, rangeant un à un les objets de toilette.

En bas, dans le parc, une mer d’ombre roulait. Les masses couleur d’encre des hauts feuillages secoués par de brusques rafales, avaient un large balancement de flux et de reflux, avec ce bruit de feuilles sèches qui rappelle l’égouttement des vagues sur une plage de cailloux. Seuls, rayant par instants ce remous de ténèbres, les deux yeux jaunes d’une voiture paraissaient et disparaissaient entre les massifs, le long de la grande allée qui va de l’avenue de la Reine-Hortense au boule-