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LA CURÉE

serait cru au fond d’un drageoir, dans quelque précieuse boîte à bijoux, grandie, non plus faite pour l’éclat d’un diamant, mais pour la nudité d’une femme. Le tapis, d’une blancheur de neige, s’étalait sans le moindre semis de fleurs. Une armoire à glace, dont les deux panneaux étaient incrustés d’argent ; une chaise longue, deux poufs, des tabourets de satin blanc, une grande table de toilette, à plaque de marbre rose, et dont les pieds disparaissaient sous des volants de mousseline et de guipure, meublaient la pièce. Les cristaux de la table de toilette, les verres, les vases, la cuvette, étaient en vieux bohême veiné de rose et de blanc. Et il y avait encore une autre table, incrustée d’argent comme l’armoire à glace, où se trouvait rangé l’outillage, les engins de toilette, trousse bizarre, qui étalait un nombre considérable de petits instruments dont l’usage échappait, les gratte-dos, les polissoirs, les limes de toutes les grandeurs et de toutes les formes, les ciseaux droits et recourbés, toutes les variétés des pinces et des épingles. Chacun de ces objets, en argent et ivoire, était marqué au chiffre de Renée.

Mais le cabinet avait un coin délicieux, et ce coin-là surtout le rendait célèbre. En face de la fenêtre, les pans de la tente s’ouvraient et découvraient, au fond d’une sorte d’alcôve longue et peu profonde, une baignoire, une vasque de marbre rose, enfoncée dans le plancher, et dont les bords cannelés comme ceux d’une grande coquille, arrivaient au ras du tapis. On descendait dans la baignoire par des marches de marbre. Au-dessus des robinets d’argent, au col de cygne, une glace de Venise, découpée, sans cadre, avec des dessins dépolis dans le cristal, occupait le fond de l’alcôve. Chaque matin Renée