Page:Emile Zola - La Curée.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
256
LES ROUGON-MACQUART

— Mais revenons à M. de Saffré… Il vous aurait rencontrée à un bal d’actrices, enfouie dans un domino, et même il s’accuse de vous avoir offert un peu cavalièrement à souper… Est-ce vrai ?

La jeune femme restait toute surprise.

— Parfaitement vrai, murmura-t-elle ; mais qui a pu lui dire ?…

— Attendez, il prétend qu’il vous a reconnue plus tard, quand vous n’avez plus été dans le salon, et qu’il s’est rappelé vous avoir vue sortir au bras de Maxime… C’est depuis ce temps-là qu’il est amoureux fou. Ça lui a poussé au cœur, vous comprenez ? un caprice… Il est venu me voir pour me supplier de vous présenter ses excuses…

— Eh bien, dites-lui que je lui pardonne, interrompit négligemment Renée.

Puis, continuant, retrouvant toutes ses angoisses :

— Ah ! ma bonne Sidonie, je suis bien tourmentée. Il me faut absolument cinquante mille francs demain matin. J’étais venue pour vous parler de cette affaire. Vous connaissez des prêteurs, m’avez-vous dit ?

La courtière, piquée de la façon brusque dont sa belle-sœur coupait son histoire, lui fit attendre quelque temps sa réponse.

— Oui, certes ; seulement, je vous conseille, avant tout, de chercher chez des amis… Moi, à votre place, je sais bien ce que je ferais… Je m’adresserais à M. de Saffré, tout simplement.

Renée eut un sourire contraint.

— Mais, reprit-elle, ce serait peu convenable, puisque vous le prétendez si amoureux.