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LA CURÉE

— Monsieur le duc, madame la duchesse !

Cette plaisanterie eut un succès fou. Le lendemain, les journaux la contèrent, en nommant crûment Laure d’Aurigny, et en désignant les deux hommes par des initiales très transparentes. La rupture d’Aristide Saccard et de la grosse Laure fit plus de bruit encore que leurs prétendues amours.

Cependant, Saccard avait laissé retomber la portière sur l’éclat de gaieté que sa plaisanterie avait soulevé dans le salon.

— Hein ! quelle bonne fille ! dit-il en se tournant vers Larsonneau. Elle est d’un vice !… C’est vous, gredin, qui devez bénéficier dans tout ceci. Qu’est-ce qu’on vous donne ?

Mais il se défendit, avec des sourires ; et il tirait ses manchettes qui remontaient. Il vint enfin s’asseoir, près de la porte, sur une causeuse où Saccard l’appelait du geste.

— Venez là, je ne veux pas vous confesser, que diable !… Aux affaires sérieuses, maintenant, mon bon. J’ai eu, ce soir, une longue conversation avec ma femme… Tout est conclu.

— Elle consent à céder sa part ? demanda Larsonneau.

— Oui, mais ça n’a pas été sans peine… Les femmes sont d’un entêtement ! Vous savez, la mienne avait promis de ne pas vendre à une vieille tante. C’étaient des scrupules à n’en plus finir… Heureusement que j’avais préparé une histoire tout à fait décisive.

Il se leva pour allumer un cigare au candélabre que Laure avait laissé sur la table et, revenant s’allonger mollement au fond de la causeuse :