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LES ROUGON-MACQUART

enfin serré la main de la jeune femme et qu’il fut sur le point de quitter la chambre, elle le retint encore un instant, en lui parlant de son père. Elle en faisait un grand éloge.

— Vois-tu, j’avais trop de remords. Je préfère que ça soit arrivé… Tu ne connais pas ton père ; j’ai été étonnée de le trouver si bon, si désintéressé. Le pauvre homme a de si gros soucis, en ce moment.

Maxime regardait la pointe de ses bottines, sans répondre, d’un air gêné. Elle insistait.

— Tant qu’il ne venait pas dans cette chambre, ça m’était égal. Mais après… Quand je le voyais ici, affectueux, m’apportant un argent qu’il avait dû ramasser dans tous les coins de Paris, se ruinant pour moi sans une plainte, j’en devenais malade… Si tu savais avec quel soin il a veillé à mes intérêts !

Le jeune homme revint doucement à la cheminée, contre laquelle il s’adossa. Il restait embarrassé, la tête basse, avec un sourire qui montait peu à peu à ses lèvres.

— Oui, murmura-t-il, mon père est très fort pour veiller aux intérêts des gens.

Le son de sa voix étonna Renée. Elle le regarda, et lui, comme pour se défendre :

— Oh ! je ne sais rien… Je dis seulement que mon père est un habile homme.

— Tu aurais tort d’en mal parler, reprit-elle. Tu dois le juger un peu en l’air… Si je te faisais connaître tous ses embarras, si je te répétais ce qu’il me confiait encore ce soir, tu verrais comme on se trompe, quand on croit qu’il tient à l’argent…

Maxime ne put retenir un haussement d’épaules. Il interrompit sa belle-mère, d’un rire d’ironie.