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LA CURÉE

préfet, qui se trouvait sur les dents, au milieu de neuf femmes, dont l’imagination folle menaçait de compromettre gravement la pureté des lignes de son œuvre. S’il les avait écoutées, son Olympe aurait porté de la poudre. Madame d’Espanet voulait absolument avoir une robe à traîne pour cacher ses pieds un peu forts, tandis que madame Haffner rêvait de s’habiller avec une peau de bête. M. Hupel de la Noue fut énergique ; il se fâcha même une fois ; il était convaincu, il disait que, s’il avait renoncé aux vers, c’était pour écrire son poème « avec des étoffes savamment combinées et des attitudes choisies parmi les plus belles. »

— L’ensemble, mesdames, répétait-il à chaque nouvelle exigence, vous oubliez l’ensemble… Je ne puis cependant pas sacrifier l’œuvre entière aux volants que vous me demandez.

Les conciliabules se tenaient dans le salon bouton d’or. On y passa des après-midi entiers à arrêter la forme d’une jupe. Worms fut convoqué plusieurs fois. Enfin tout fut réglé, les costumes arrêtés, les poses apprises, et M. Hupel de la Noue se déclara satisfait. L’élection de M. de Mareuil lui avait donné moins de mal.

Les Amours du beau Narcisse et de la nymphe Écho devaient commencer à onze heures. Dès dix heures et demie, le grand salon se trouvait plein, et, comme il y avait bal ensuite, les femmes étaient là, costumées, assises sur des fauteuils rangés en demi-cercle devant le théâtre improvisé, une estrade que cachaient deux larges rideaux de velours rouge à franges d’or, glissant sur des tringles. Les hommes, derrière, se tenaient debout, allaient et venaient. Les tapissiers avaient donné à dix heures les derniers coups de marteau. L’estrade s’élevait