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LES ROUGON-MACQUART

Rien n’était changé, c’était toujours le dimanche suivant qu’on devait signer le contrat.

— Parfaitement, dit Saccard. Je compte même annoncer ce soir le mariage à nos amis, si vous n’y voyez aucun inconvénient… J’attends pour cela mon frère le ministre qui m’a promis de venir.

Le nouveau député fut ravi. Cependant M. Toutin-Laroche élevait la voix, comme en proie à une vive indignation.

— Oui, messieurs, disait-il à M. Michelin et aux deux entrepreneurs qui se rapprochaient, j’avais eu la bonhomie de laisser mêler mon nom à une telle affaire.

Et, comme Saccard et Mareuil les rejoignaient :

— Je racontais à ces messieurs la déplorable aventure de la Société générale des ports du Maroc, vous savez, Saccard ?

Celui-ci ne broncha pas. La société en question venait de crouler avec un effroyable scandale. Des actionnaires trop curieux avaient voulu savoir où en était l’établissement des fameuses stations commerciales sur le littoral de la Méditerranée, et une enquête judiciaire avait démontré que les ports du Maroc n’existaient que sur les plans des ingénieurs, de fort beaux plans, pendus aux murs des bureaux de la Société. Depuis ce moment, M. Toutin-Laroche criait plus fort que les actionnaires, s’indignant, voulant qu’on lui rendît son nom pur de toute tache. Et il fit tant de bruit que le gouvernement, pour calmer et réhabiliter devant l’opinion cet homme utile, se décida à l’envoyer au Sénat. Ce fut ainsi qu’il pêcha le siège tant ambitionné, dans une affaire qui avait failli le conduire en police correctionnelle.

— Vous êtes bien bon de vous occuper de cela, dit