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LA CURÉE

tint debout, dans l’embrasure d’une fenêtre, pendant près de deux heures à leur raconter les Métamorphoses d’Ovide.

Cependant le ministre se retirait. Il s’excusa de ne pouvoir attendre la belle madame Saccard pour la complimenter sur la grâce parfaite de la nymphe Écho. Il venait de faire trois ou quatre fois le tour du salon au bras de son frère, donnant quelques poignées de main, saluant les dames. Jamais il ne s’était tant compromis pour Saccard. Il le laissa radieux lorsque, sur le seuil de la porte, il lui dit, à voix haute :

— Je t’attends demain matin. Viens déjeuner avec moi.

Le bal allait commencer. Les domestiques avaient rangé le long des murs les fauteuils des dames. Le grand salon allongeait maintenant, du petit salon jaune à l’estrade, son tapis nu, dont les grandes fleurs de pourpre s’ouvraient, sous l’égouttement de lumière tombant du cristal des lustres. La chaleur croissait, les tentures rouges brunissaient de leurs reflets l’or des meubles et du plafond. On attendait pour ouvrir le bal que ces dames, la nymphe Écho, Vénus, Plutus et les autres, eussent changé de costumes.

Madame d’Espanet et madame Haffner parurent les premières. Elles avaient remis leurs costumes du second tableau ; l’une était en Or, l’autre en Argent. On les entoura, on les félicita ; et elles racontaient leurs émotions.

— C’est moi qui ai failli m’éclater, disait la marquise, quand j’ai vu de loin le grand nez de M. Toutin-Laroche qui me regardait !

— Je crois que j’ai un torticolis, reprenait languis-