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LES ROUGON-MACQUART

tableaux vivants. Des plaques irisées s’arrondissaient sur la nappe d’eau refroidie.

Maxime marcha sur un corset, faillit tomber, essaya de rire. Mais il grelottait devant le visage dur de Renée. Elle s’approcha de lui, le poussant, disant à voix basse :

— Alors tu vas épouser la bossue ?

— Mais pas le moins du monde, murmura-t-il. Qui t’a dit cela ?

— Eh ! ne mens pas, c’est inutile…

Il eut une révolte. Elle l’inquiétait, il voulait en finir avec elle.

— Eh bien, oui, je l’épouse. Après ?… Est-ce que je ne suis pas le maître ?

Elle vint à lui, la tête un peu baissée, avec un rire mauvais, et lui prenant les poignets :

— Le maître ! toi, le maître !… Tu sais bien que non. C’est moi qui suis le maître. Je te casserais les bras, si j’étais méchante ; tu n’as pas plus de force qu’une fille.

Et comme il se débattait, elle lui tordit les bras, de toute la violence nerveuse que lui donnait la colère. Il poussa un faible cri. Alors elle le lâcha, en reprenant :

— Ne nous battons pas, vois-tu ; je serais la plus forte.

Il resta blême, avec la honte de cette douleur qu’il sentait à ses poignets. Il la regardait aller et venir dans le cabinet. Elle repoussait les meubles, réfléchissant, arrêtant le plan qui tournait dans sa tête, depuis que son mari lui avait appris le mariage.

— Je vais t’enfermer ici, dit-elle enfin ; et, quand il fera jour, nous partirons pour le Havre.

Il blêmit encore d’inquiétude et de stupeur.