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LES ROUGON-MACQUART

card, sans doute pour trouver une arme, jeta un coup d’œil rapide autour de lui. Et, sur le coin de la table de toilette, au milieu des peignes et des brosses à ongles, il aperçut l’acte de cession, dont le papier timbré jaunissait le marbre. Il regarda l’acte, regarda les coupables. Puis, se penchant, il vit que l’acte était signé. Ses yeux allèrent de l’encrier ouvert à la plume encore humide, laissée au pied du candélabre. Il resta droit devant cette signature, réfléchissant.

Le silence semblait grandir, les flammes des bougies s’allongeaient, la valse se berçait le long des tentures avec plus de mollesse. Saccard eut un imperceptible mouvement d’épaules. Il regarda encore sa femme et son fils d’un air profond, comme pour arracher à leur visage une explication qu’il ne trouvait pas. Puis il plia lentement l’acte, le mit dans la poche de son habit. Ses joues étaient devenues toutes pâles.

— Vous avez bien fait de signer, ma chère amie, dit-il doucement à sa femme… C’est cent mille francs que vous gagnez. Ce soir, je vous remettrai l’argent.

Il souriait presque, et ses mains seules gardaient un tremblement. Il fit quelques pas, en ajoutant :

— On étouffe ici. Quelle idée de venir comploter quelqu’une de vos farces dans ce bain de vapeur !…

Et s’adressant à Maxime, qui avait relevé la tête, surpris de la voix apaisée de son père :

— Allons, viens, toi ! reprit-il. Je t’avais vu monter, je te cherchais pour que tu fisses tes adieux à M. de Mareuil et à sa fille.

Les deux hommes descendirent, causant ensemble. Renée resta seule, debout au milieu du cabinet de toilette, regardant le trou béant du petit escalier, dans