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LES ROUGON-MACQUART

tait plus que madame Sidonie, disant combien elle aimait les bêtes à quelques femmes de fonctionnaires.

— Ah ! voilà mon petit mari, s’écria Louise. Asseyez-vous là et dites-moi dans quel fauteuil mon père a pu s’endormir. Il se sera déjà cru à la Chambre.

Maxime lui répondit sur le même ton, et les jeunes gens retrouvèrent leurs grands éclats de rire du dîner. Assis à ses pieds, sur un siège très bas, il finit par lui prendre les mains, par jouer avec elle, comme avec un camarade. Et, en vérité, dans sa robe de foulard blanc à pois rouges, avec son corsage montant, sa poitrine plate, sa petite tête laide et fûtée de gamin, elle ressemblait à un garçon déguisé en fille. Mais, par instants, ses bras grêles, sa taille déviée, avaient des poses abandonnées, et des ardeurs passaient au fond de ses yeux pleins encore de puérilité, sans qu’elle rougît le moins du monde des jeux de Maxime. Et tous deux de rire, se croyant seuls, sans même apercevoir Renée, debout au milieu de la serre, à demi cachée, qui les regardait de loin.

Depuis un instant, la vue de Maxime et de Louise, comme elle traversait une allée, avait brusquement arrêté la jeune femme derrière un arbuste. Autour d’elle, la serre chaude, pareille à une nef d’église, et dont de minces colonnettes de fer montaient d’un jet soutenir le vitrail cintré, étalait ses végétations grasses, ses nappes de feuilles puissantes, ses fusées épanouies de verdure.

Au milieu, dans un bassin ovale, au ras du sol, vivait, de la vie mystérieuse et glauque des plantes d’eau, toute la flore aquatique des pays du soleil. Des Cyclanthus, dressant leurs panaches verts, entouraient, d’une