Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/136

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lement des misérables mangés par la mer. Alors, le combat que l’amour de l’argent livrait encore à sa bonté devint insupportable. Elle ferma la fenêtre, ne voulant plus écouter. Mais les coups lointains la secouèrent dans son lit. Pourquoi ne pas tenter l’impossible ? Qu’importait cet argent jeté à l’eau, s’il y avait une seule chance de sauver le village ? Et elle s’endormit au jour, en pensant à la joie de son cousin, tiré de ses tristesses noires, mis enfin peut-être sur sa véritable voie, heureux par elle, lui devant tout.

Le lendemain, elle l’appela, avant de descendre. Elle riait.

— Tu ne sais pas ? j’ai rêvé que je te prêtais tes douze mille francs.

Il se fâcha, refusa violemment.

— Veux-tu donc que je parte et que je ne reparaisse plus ?… Non, il y a assez de l’usine. J’en meurs de honte, sans te le dire.

Deux heures après, il acceptait, il lui serrait les mains avec une effusion passionnée. C’était une avance, simplement ; son argent ne courait aucun risque, car le vote de la subvention par le Conseil général ne faisait pas un doute, surtout devant un commencement d’exécution. Et, dès le soir, le charpentier d’Arromanches fut appelé. Il y eut des conférences interminables, des promenades le long de la côte, une discussion acharnée des devis. La maison entière en perdait la tête.

Madame Chanteau, cependant, s’était emportée, lorsqu’elle avait appris le prêt des douze mille francs. Lazare, étonné, ne comprenait pas. Sa mère l’accablait d’arguments singuliers : sans doute, Pauline leur avançait de temps à autre de petites sommes ;